Il est essentiel pour le dirigeant de définir une stratégie à long terme lors de l’acquisition d’un immeuble, de mesurer l’impact fiscal durant la vie de l’exploitation et au moment de sa revente en cas de cession.
La détention des locaux par l’entreprise elle-même ou par son dirigeant (directement ou via une Société Civile Immobilière) permet d’assurer la stabilité du site d’exploitation et de constituer un patrimoine immobilier. Les enjeux liés à ce patrimoine peuvent ainsi se révéler conséquents.
Il faut également noter qu’un dirigeant qui reste propriétaire des locaux après la vente de sa société, s’il se constitue certes un complément de revenus (pour la retraite par exemple) s’expose également à des litiges de loyers. En effet, pour l’acquéreur et notamment si le succès n’est pas au rendez-vous comme espéré, la confusion entre le statut de bailleur et celui de cédant est difficilement évitable.
Il est donc essentiel pour le dirigeant de définir une stratégie à long terme lors de l’acquisition d’un immeuble, de mesurer l’impact fiscal durant la vie de l’exploitation et au moment de sa revente en cas de cession.
Lors de l’acquisition d’un immeuble pour son exploitation professionnelle, il s’agit de déterminer l’affectation de ce bien :
- dans le patrimoine du dirigeant (directement ou via une SCI)
- dans le patrimoine professionnel de l’entreprise.
Une fois cette affectation décidée (avec l’appui de l’expert-comptable ou du fiscaliste) et qui déterminera la fiscalité de l’exploitation du bien immobilier ainsi acquis, il conviendra ensuite de déterminer les conséquences fiscales lors de la cession des murs en fonction des choix antérieurs.
I. Le régime d’imposition des plus-values immobilières des SCI
a. Rappel des différents régimes fiscaux possibles :
- Le régime de base : l’impôt sur le revenu
La SCI est, par principe, assujettie à l’IR c’est-à-dire « transparentes » fiscalement. Les associés sont donc imposés directement sur la part des bénéfices réalisés par la SCI en fonction de leur quote-part détenue dans le capital dans la catégorie des revenus fonciers. Ils peuvent, sous certaines conditions, déduire de leur revenu imposable, la fraction des dépenses de la SCI (frais de gestion de l’immeuble, travaux d’amélioration, charges de copropriété, taxes foncières, intérêts d’emprunt, etc.) au prorata de leurs parts sociales.
Dans le cas d’un déficit foncier (lorsque le montant des charges est supérieur aux revenus fonciers), les associés peuvent imputer ces sommes sur leur revenu dans la limite de 10 700 euros (article 156 du CGI). Si le déficit est supérieur à ce montant, il peut être reporté sur les 10 années suivantes.
- L’option à l’impôt société
Les associés peuvent aussi opter pour l’IS (article 239 du CGI), ce choix étant irrévocable. Dans ce cas, Les bénéfices de la SCI sont imposés au taux de :
– 15% pour le bénéfice compris entre 0 et 38 120 euros ;
– 26,5% pour les bénéfices supérieurs à 38 120 euros (article 219 du CGI)
Pour les bénéfices tirés de l’exploitation d’un bien immobilier, seule la SCI est imposée. Les associés ne sont, quant à eux, taxés que sur les dividendes qu’ils touchent de la SCI au titre des revenus de capitaux mobiliers. S’ils décident de ne pas percevoir les dividendes afin de constituer des réserves pour la SCI, ils ne sont donc pas imposés à titre personnel.
b. Le régime d’imposition des plus-values immobilières pour la SCI
i. Lors de la cession de parts de SCI
La cession de parts d’une SCI est soumise à 2 régimes d’imposition :
- Le droit d’enregistrement qui est égal à 5% du montant du prix de cession des parts sociales ;
- L’impôt sur la plus-value.
Le régime de ce dernier varie en fonction du régime fiscal choisi par la société :
- Lorsque la SCI est soumise à l’IS, le régime des plus-values sur les valeurs mobilières s’applique. Le gain est ici soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu de l’associé vendeur. A cela, s’ajoute l’abattement pour durée de détention (article 150-0 D du CGI) : 50% pour les titres détenus au moins 2 ans et moins de 8 ans ; 65% pour les titres détenus depuis au moins 8 ans. Cet abattement se calcule à compter de la souscription des parts de la SCI et non de l’acquisition du patrimoine.
- Lorsque la SCI est soumise à l’IR, on applique le régime des plus-values immobilières des particuliers.
ii. Lors de la cession de l’immeuble détenu par la SCI
Lorsque la SCI vend l’immeuble dont elle est propriétaire, l’imposition d’une potentielle plus-value réalisée dépend du régime fiscal de la société :
- Dans le cas où la SCI est soumise à l’IR, chaque associé est imposé au titre de la plus-value immobilière. La plus-value immobilière peut faire l’objet d’un abattement selon la durée de détention du bien :
- IR : à partir de la 6ème année de détention un abattement progressif s’applique. Il y a exonération de la plus-value au-delà de 22 ans de détention ;
- Prélèvements sociaux : à partir de la 6ème année de détention un abattement progressif s’applique. Il y a exonération de la plus-value au-delà de 30 ans de détention.
- Dans le cas où il a été opté pour l’IS, le montant de la plus-value dite dans ce cas « professionnelle » sera imputé au résultat de la société. La plus-value s’ajoute au montant du bénéfice imposable à l’IS. Aucun abattement ou exonération n’est prévu et la SCI est soumise aux taux de l’IS comme indiqué ci-dessus.
II. Le régime d’imposition des plus-values immobilières des entreprises ou sociétés commerciales
a. Le régime d’imposition des plus-values immobilières pour les entreprises soumises à l’IR
Si les plus-values professionnelles réalisées par ces entreprises sont en principe imposables, il existe certains régimes d’exonération.
i. Le régime applicable
Le montant de la plus-value relative à un bien amortissable est égal à la différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable. Ainsi, les amortissements pratiqués viennent majorer le gain imposable.
Exemple : Une entreprise individuelle a acheté un immeuble 100 000 euros, revendu 200 000 euros 15 ans plus tard. Entre temps, 50 000 euros d’amortissements ont été déduits, ramenant la valeur nette comptable lors de la cession à 100 000 – 50 000 = 50 000 euros.
Le montant de la plus-value est de 200 000 – 50 000 euros = 150 000 euros.
Selon la durée de détention ou la nature du bien inscrit à l’actif, la plus-value peut être à long terme ou à court terme. Les plus-values à long terme se rapportent aux biens détenus depuis plus de deux ans. Toutefois, la part des amortissements venant diminuer la valeur nette comptable ne peut bénéficier du régime du long terme.
Les plus-values à court terme sont relatives :
- Aux biens détenus depuis moins de 2 ans,
- Aux éléments détenus depuis plus de 2 ans, dans la proportion correspondant au montant des amortissements déduits.
Si l’on reprend l’exemple précédent, la plus-value réalisée, soit 150 000 euros, sera :
- À long terme pour 100 000 euros (soit la différence entre le prix de cession et la valeur d’inscription à l’actif),
- À court terme pour 50 000 euros (soit le montant des amortissements déduits).
Les plus-values à long terme, dans les entreprises soumises à l’IR, sont imposées au taux de 16 % auquel il faut ajouter 15,5% de prélèvements sociaux.
Les moins-values nettes à long terme peuvent s’imputer sur les plus-values nettes à long terme réalisées durant les 10 années suivantes. La plus-value à court terme est intégrée au résultat ordinaire, soumis aux charges sociales et au barème progressif de l’impôt sur le revenu. L’éventuelle moins-value à court terme vient s’imputer sur ce résultat, ce qui pourra générer du déficit imputable sur le revenu global.
ii. Les régimes d’exonération
On trouve deux régimes venant tempérer l’imposition des plus-values immobilières réalisées par les entreprises, prévus aux articles 151 septies et 151 septies B du CGI.
L’article 151 septies
Les plus-values, à court terme et à long terme, réalisées par les petites entreprises, sont exonérées d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux grâce aux dispositions de cet article.
Les conditions suivantes doivent être remplies afin de bénéficier de l’exonération :
- Une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole doit avoir été exercée à titre professionnel durant 5 ans,
- Un seuil de recettes annuelles ne doit pas être dépassé (90 000 € pour les activités de prestations de services et 250 000 € pour les activités d’achat-revente ou de fourniture de logement). Afin de déterminer si ce seuil est atteint ou non, il faut prendre en compte la moyenne des recettes réalisées au cours des 2 années civiles précédentes.
L’exonération est partielle et dégressive si le montant des recettes réalisées est compris entre 90 000 et 126 000 € pour les prestations de services et entre 250 000 et 350 000 € pour les ventes.
Dans cette hypothèse, la fraction exonérée est calculée grâce à la formule suivante :
- (350 000 € – montant des recettes) / 100 000 € pour les ventes,
- (126 000 € – montant des recettes) /36 000 € pour les prestations de services.
Ce dispositif concerne la plupart des opérations pouvant être réalisées (donation, vente, expropriation, cession d’activité, retrait du patrimoine professionnel…). Les loueurs en meublé professionnel peuvent bénéficier de l’exonération s’ils remplissent les conditions susvisées.
L’article 151 septies B
L’article 151 septies B prévoit l’application d’un abattement de 10% par année de détention au-delà de la cinquième, concernant les plus-values à long terme relatives à un immeuble affecté à une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
L’exonération est donc totale au bout de 15 ans. Les plus-values à court terme ne sont pas concernées par ce dispositif et de ce fait, la plus-value globale doit être ventilée.
Exemple
Un immeuble inscrit à l’actif 50 000 euros est revendu 150 000 euros 13 ans plus tard. 30 000 euros d’amortissements ont été passés.
La plus-value globale est égale à 150 000 – (50 000 – 30 000) = 130 000 euros, répartie comme suit :
- 100 000 euros à long terme,
- 30 000 euros à court terme.
La plus-value à court terme est pleinement imposable et intégrée au résultat fiscal.
On appliquera un abattement pour une durée de détention de 80% (8 ans de détention après la cinquième année x 10%) à la plus-value à long terme, qui ne sera imposée qu’à hauteur de 100 000 x 20% = 20 000 euros.
b. Le régime d’imposition des plus-values immobilières pour les sociétés soumises à l’IS
Dans les entités soumises à l’impôt sur les sociétés, les plus-values immobilières sont toujours à court terme, quelle que soit la durée de détention.
Le gain réalisé, égal à la différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable, vient donc majorer le résultat imposable à l’IS au taux normal ou au taux réduit (dans les PME, à hauteur de 38 120 euros de bénéfice).
Les déficits antérieurs peuvent s’imputer, sans limite de temps, sur le bénéfice réalisé.
Aucun dispositif ne vient atténuer la charge fiscale, les articles 151 septies et 151 septies A ne concernant que les entreprises soumises à l’IR.
Il est donc opportun de ne pas inscrire à l’actif d’une société soumise à l’IS l’immeuble d’exploitation.
Celui-ci pourra être acquis par une SCI et donné à louer à l’entreprise opérationnelle, ce qui permettra de bénéficier du régime avantageux des plus-values immobilières des particuliers.
Antoine FRIZON-GUIGUET
Action Reprise Ile-de-France
22 rue Beffroy 92 200 NEUILLY-SUR-SEINE
a.frizon-guiguet@actionreprise.com