Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu remplacera le recouvrement sur avis d’imposition. Quels changements entraînera la réforme de l’impôt à la source ? 2017 sera-t-elle une année blanche ? Quid des retraites ?
Un audit devrait être réalisé en juin 2017 sur le prélèvement à la source, comme l’a annoncé ce vendredi 12 mai Benjamin Griveaux, porte-parole du mouvement En Marche !, dans le but de s’assurer que la mise en place de ce nouveau mode de recouvrement de l’impôt sur le revenu ne posera pas de difficultés notamment aux TPE et aux petites entreprises. « On va regarder cet audit et, si l’expérimentation peut être lancée dans de bonnes conditions, elle sera lancée et si ce n’est pas le cas, il y aura un report », a-t-il expliqué sur le plateau de LCI. Emmanuel Macron, qui s’était d’abord dit partisan de tester ce nouveau mode de recouvrement pendant un an avant d’éventuellement le généraliser, avait finalement laissé entendre sur RTL deux jours avant son élection qu’il n’appliquerait peut-être pas le prélèvement à la source en 2018.
Barème du prélèvement à la source
Le barème progressif de l’impôt sur le revenu ne sera pas supprimé avec la mise en place du prélèvement à la source. Les règles relatives au quotient familial ou conjugal, qui permettent le calcul de l’impôt sur le revenu à l’échelle du foyer fiscal et non du contribuable, ou celles relatives aux crédits d’impôt et réductions en vigueur seront elles aussi maintenues. Par conséquent, la déclaration d’impôts restera obligatoire.
Calcul du prélèvement à la source
L’assiette de l’impôt prélevé à la source sera composée du montant net imposable du salaire (ou de la pension) une fois déduites les cotisations sociales ainsi que la fraction déductible de CSG, avant l’abattement forfaitaire de 10% ou, sur option, la déduction des frais réels. La déduction des pensions alimentaires sera également prise en compte.
Ce montant est déjà calculé par les employeurs et les caisses de retraite aujourd’hui et transmis au fisc pour la DADS. Ils n’auront donc plus qu’à lui appliquer le taux que leur transmettra l’administration fiscale.
L’employeur, a promis le secrétaire d’Etat chargé du Budget Christian Eckert, « ne sera informé ni de la situation familiale, ni des autres revenus perçus par le salarié. C’est l’administration fiscale qui restera l’unique destinataire des informations fiscales et l’unique interlocuteur des contribuables ». Le taux d’imposition sera donc la seule donnée transmise à l’employeur dans le cadre de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu qui, en cas de violation du secret fiscal, se verra sanctionné par une amende de 10 000 euros.
Pour l’employé, le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu se matérialisera par une ligne supplémentaire sur la fiche de paie. « Il n’aura aucune démarche de paiement de l’impôt à faire, assure Michel Sapin, jusqu’à la déclaration des revenus qui reste maintenue ». Sur la base des informations déclarées au printemps 2017, le fisc calculera un nouveau taux d’imposition qu’il transmettra à l’employeur en septembre 2017. Avant cela, le contribuable recevra un avis d’imposition sur lequel figurera un crédit d’impôt exceptionnel de modernisation du recouvrement (CIMR) qui viendra annuler l’impôt sur les revenus de 2017.
Le Conseil d’Etat, auquel le gouvernement avait remis le texte précisant les modalités du prélèvement à la source et qui a rendu un avis favorable début juillet, a toutefois relevé un problème de confidentialité. En effet, le seul taux d’imposition en dit déjà beaucoup sur les salariés, notamment sur ceux qui perçoivent des revenus du travail faibles et des revenus du capital élevés. En réponse à cette inquiétude, Bercy a donc prévu la possibilité de demander à son employeur de se voir appliquer un taux d’imposition neutre (barème détaillé dans le tableau ci-dessous), puis, si l’application du taux neutre conduit à un prélèvement moins important que ce qui est dû, de régler le solde de l’impôt via une régularisation au plus tard à la fin du mois suivant la perception du revenu.
Tranches d’imposition standard (France métropolitaine)
Base de prélèvement mensuel Taux
Inférieure ou égale à 1 367 € 0%
- De 1 368 € à 1 419 € 0,50%
- De 1 420 € à 1 510 € 1,50%
- De 1 511 € à 1 613 € 2,50%
- De 1 614 € à 1 723 € 3,50%
- De 1 724 € à 1 815 € 4,50%
- De 1 816 € à 1 936 € 6%
- De 1 937 € à 2 511 € 7,50%
- De 2 512 € à 2 725 € 9%
- De 2 726 € à 2 988 € 10,50%
- De 2 989 € à 3 363 € 12%
- De 3 364 € à 3 925 € 14%
- De 3 926 € à 4 706 € 16%
- De 4 707 € à 5 888 € 18%
- De 5 889 € à 7 581 € 20%
- De 7 582 € à 10 292 € 24%
- De 10 293 € à 14 417 € 28%
- De 14 418 € à 22 042 € 33%
- De 22 043 € à 46 500 € 38%
- A partir de 46 501 € 43%
A l’inverse, l’application du taux neutre peut conduire certains contribuables se voir prélever des sommes plus importantes que celles qui sont dues. Ils seront alors remboursés en année N+1 sous forme de restitution.
Une autre possibilité de déroger au taux d’imposition communiqué par le fisc était déjà prévue dans le document transmis au Conseil d’Etat en juin. Elle concernait les couples soumis à une imposition commune des revenus, c’est-à-dire les couples mariés ou liés par le Pacs. Ils pourront être prélevés sur la base de taux différents, ce qui permettra, en cas d’écart de revenus entre les membres du couple, d’éviter que les revenus élevés de l’un aboutisse à un taux moyen de prélèvement relativement élevé pour les deux.
Quid des nouveaux entrants dans l’impôt qui n’auront pas eu de taux d’imposition en 2017 ? Ils se verront appliquer le barème par défaut, proche de celui d’un célibataire sans enfant ne bénéficiant que d’une part de quotient familial, qu’ils pourront modifier ensuite.
En résumé, la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu n’aura pas d’incidence sur le revenu fiscal de référence puisqu’il ne modifiera pas le calcul de l’impôt.
Prélèvement à la source et année blanche
Ce nouveau mode de recouvrement que constitue le prélèvement de l’impôt à la source sera appliqué dès la paie de janvier 2018. Concrètement, en 2017, les contribuables seront imposés sur les revenus de 2016. A partir de 2018, ils s’acquitteront de l’impôt au titre des revenus perçus l’année en cours et non plus au titre des revenus perçus l’année précédente. On ne peut donc pas parler d’année blanche au sens où il n’y aura pas d’année au cours de laquelle l’impôt ne sera pas collecté. Il est cependant vrai que les revenus de 2017 ne seront pas seront annulés grâce à un crédit d’impôt exceptionnel de modernisation du recouvrement (CIMR), qui figurera sur l’avis d’imposition reçu à l’été 2017. Attention, le bénéfice du CIMR ne s’applique qu’aux revenus courants. Les revenus dits exceptionnels en seront exclus et donc imposés.
Pour les revenus relevant de la catégorie des traitements et salaires, ne seront pas considérés comme des revenus courants :
– les prestations de retraite versées sous forme de capital
– les indemnités versées pour la rupture du contrat de travail.
– les indemnités attribuées lors de la cessation des fonctions des mandataires sociaux et dirigeants
– les indemnités de clientèle, de cessation d’activité ainsi que celles versées en contrepartie de la cession de la valeur de la clientèle
– les indemnités, allocations et primes allouées dans le but de dédommager leurs bénéficiaires d’un changement de lieu de travail ou de résidence
– les aides et allocations capitalisées allouées à l’occasion de la conversion, la réinsertion ou la reprise d’une activité professionnelle
– les montants gagnés au titre de la participation ou de l’intéressement et non affectées à la réalisation de plans d’épargne d’entreprise type PEE ou PERCO ainsi que les sommes retirées en dehors des cas de déblocage prévus par la loi
– les sommes tirées de la monétisation de droits inscrits sur un compte épargne temps (CET)
– les gratifications surérogatoires, quel que soit le nom que leur donne l’employeur.
Le contribuable qui percevra ce type de revenus devra s’acquitter d’un impôt, sauf cas particuliers, le 15 septembre 2018. Il pourra alors demander un étalement du paiement de ce solde. Si le montant de l’impôt dû dépasse 1 000 euros, l’usager devra obligatoirement procéder au règlement via un moyen de paiement dématérialisé, au cas particulier par télépaiement.
Le message est clair : les contribuables qui en profiteraient pour gonfler leurs revenus de 2017, véritable année de transition, n’auraient pas gain de cause : « Le projet de loi (de finances pour 2017, dans lequel la réforme sera incluse, NDLR) prévoira des dispositions particulières de lutte contre l’optimisation, évitant que des contribuables majorent artificiellement leurs revenus de l’année 2017 », prévenait le gouvernement en conseil des ministres début août. Des dispositions ont pris la forme d’une « clause générale anti-optimisation » dans le texte. Ce dernier prévoit également que l’administration fiscale puisse demander aux contribuables des justificatifs sur leurs revenus de 2017 pendant quatre ans, contre trois habituellement.
Les revenus courants de l’année 2017 ne seront pas imposés, donc, mais le bénéfice des niches fiscales attachées à des dépenses réalisées cette année-là sera, lui, conservé. Les crédits d’impôts au titre de 2017 seront ainsi perçus avec un an de décalage, à la fin de l’été 2018, sous forme de restitution.
Pour le cas spécifique des services à domicile et garde d’enfant, un acompte de crédit d’impôt sera versé à partir de février 2018. Son montant correspondra à 30% du crédit d’impôt de l’année précédente (payé en 2017 au titre des dépenses supportées en 2016). Le solde sera versé en août 2018.
Prélèvement de l’impôt à la source : définition
Le prélèvement à la source est un mode de recouvrement de l’impôt sur le revenu, au même titre que le paiement sur avis d’imposition qui prévaudra jusqu’en 2018.
La retenue à la source consiste à faire prélever le montant de l’impôt par un tiers payeur au moment du versement au contribuable des revenus sur lesquels porte l’imposition. Qui pour assurer ce rôle ? Il peut s’agir des banques mais le gouvernement français leur a préféré l’entreprise ou l’organisme versant les revenus. C’est-à-dire l’employeur, pour ceux qui en ont un, les caisses de retraite pour les retraités et Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi. Comment procéderont les employeurs ? « Les modalités techniques de prélèvement emprunteront un canal qui est en cours de mise en œuvre : la déclaration sociale nominative (DSN). Un chantier bien engagé qui permettra, par un document unique et dématérialisé, de calculer et d’acquitter l’ensemble des cotisations sociales, et désormais, donc, l’impôt sur le revenu », a détaillé Michel Sapin.
Nombre de pays occidentaux ont adopté le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu au cours de la première moitié du 20e siècle. Parmi eux figurent les Etats-Unis et le Royaume-Uni notamment. La retenue à la source est également déjà utilisée en France, notamment pour les cotisations sociales recouvrées par l’employeur et pour l’impôt sur les plus-values immobilières recouvré par les notaires depuis 2004.
La retenue à la source est également déjà utilisée en France, notamment pour les cotisations sociales recouvrées par l’employeur et pour l’impôt sur les plus-values immobilières recouvré par les notaires depuis 2004.
Avantages du prélèvement à la source
Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu dispensera-t-il les usagers de remplir une déclaration d’impôts ? Non. Car contrairement à la CSG, retenue à la source, l’impôt sur le revenu tient compte des situations particulières (situation de famille, existence de revenus autres que salariaux, utilisation de dépenses fiscales…).
En revanche, le prélèvement à la source simplifiera la vie du contribuable au niveau du paiement de l’impôt, puisque les démarches à accomplir seront alors effectuées par le tiers payeur.
Autre avantage pour l’usager : exit le décalage d’un an entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt correspondant. D’où un ajustement plus rapide de l’impôt. Les contribuables dont les revenus baissent en raison, par exemple, d’un départ à la retraite, d’une entrée au chômage, d’un divorce ou de la perte des allocations familiales, devraient donc percevoir une amélioration de leur situation financière, due à un ajustement de l’assiette de l’impôt. Il leur suffira de prévenir l’administration fiscale du changement intervenu dans leur vie dans les deux mois qui suivent et cette dernière calculera un nouveau taux d’imposition qu’elle communiquera à l’employeur ou, si le contribuable n’en a pas, à l’organisme chargé de prélever l’impôt. A noter toutefois que les demandes abusives de baisse de taux d’imposition seront punies d’une majoration de 10% minimum. Les demandes de diminution de taux ne seront en effet autorisées que si la baisse des revenus entraîne une diminution de 10% et 200 euros des prélèvements. A l’opposé du spectre, aucune condition n’est nécessaire pour demander une hausse du taux. Cette dernière sera même encouragée pour limiter l’ampleur d’une régularisation future.
Revenus prélevés à la source
Les revenus salariaux et les revenus de remplacement (comme les pensions de retraite pour les retraités ou les indemnités de chômage) seront retenus à la source. N’étant pas connus dès leur versement, les revenus perçus par les indépendants (commerçants, professions libérales, exploitants agricoles), eux, feront l’objet d’acomptes (mensuels ou trimestriels) sur la base du dernier bénéfice connu. C’est ce que préconisait en 2012 un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires.
Ce mécanisme d’acomptes s’appliquera également aux revenus fonciers et aux pensions alimentaires. Ces prélèvements seront calculés par l’administration fiscale sur la base des dernières déclarations du contribuable Ils seront effectués mensuellement ou trimestriellement par le fisc sur son compte bancaire.
Dividendes et prélèvement à la source
Les dividendes, appartenant à la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, font déjà l’objet d’un prélèvement.
Justine Gay
JDN www.journaldunet.com