Nous nous intéresserons dans cette étude à l’exonération partielle s’appliquant aux transmissions d’entreprises dans le cadre du régime communément appelé « Dutreil ».
Exonérations. De nombreux cas d’exonérations sont prévus par la loi en matière de transmission à titre gratuit. Ils sont motivés par la qualité du défunt ou du successeur ou liés à la nature des biens transmis.
La plupart de ces exonérations sont communes aux donations et aux successions. Cependant, certaines subsistent uniquement pour les successions et entre certains individus.
Nous nous intéresserons dans cette étude à l’exonération partielle s’appliquant aux transmissions d’entreprises dans le cadre du régime communément appelé « Dutreil ».
1° Transmissions de titres sociaux
Exonération partielle. Le dispositif du pacte Dutreil est défini par l’article 787 B du Code général des impôts. Les mutations par décès et les donations de parts ou actions de sociétés ayant fait l’objet d’un engagement collectif de conservation de titres sont exonérées de droits de mutation, à concurrence de 75 % de leur valeur. Il n’existe pas de limitation de montant.
Cette exonération s’applique aux parts ou actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole, ou libérale transmises par décès ou entre vifs, si certaines conditions sont réunies. Le régime fiscal de la société importe peu.
L’exonération s’applique également aux parts ou actions de sociétés interposées. Il s’agit des sociétés détenant directement (simple degré d’interposition) ou indirectement, par l’intermédiaire d’une autre société (double degré d’interposition), une participation dans la société dont les titres font l’objet d’un engagement collectif de conservation de titres. Dans la dernière hypothèse, l’exonération partielle a pour objet la valeur des droits sociaux de la société détenus directement par le redevable dans la limite de la fraction de la valeur de l’actif brut de celle-ci représentative de la participation directe ou indirecte ayant fait l’objet de l’engagement collectif de conservation de titres.
Les transmissions de titres sociaux de sociétés holdings animatrices de groupe peuvent bénéficier de l’exonération partielle.
Conditions. Le bénéfice de cette exonération est subordonné à la signature d’un engagement collectif de conservation des titres d’une durée minimale de deux ans, qui doit être souscrit par le défunt ou le donateur pour lui et ses ayants cause à titre gratuit avec un ou plusieurs associés, personnes physiques ou morales. Cette durée court à compter de l’enregistrement de l’acte ou à compter de l’acte s’il est authentique.
Il doit être en cours à la date de la transmission.
À défaut d’engagement collectif de conservation des titres avant la transmission par décès, l’engagement peut être encore souscrit dans les six mois du décès par un ou des héritiers, légataires entre eux ou avec d’autres associés.
En cas d’interposition de personnes, l’engagement est pris par la société qui détient directement la participation dans la société dont les titres font l’objet de l’engagement collectif de conservation. Les participations doivent alors être conservées inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement.
Cet engagement collectif doit porter :
sur au moins 34 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société, s’il s’agit d’une société non cotée ;
sur au moins 20 % de ces mêmes droits s’il s’agit de titres de sociétés cotées.
Enfin, au moment de la transmission, chacun des héritiers, légataires ou donataires doit s’engager, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, à conserver les titres transmis pendant une période de quatre ans qui débutera à compter de l’expiration de l’engagement collectif. L’un des héritiers, légataires ou donataires, ayant pris l’engagement individuel de conservation, ou l’un des associés ayant souscrit l’engagement collectif de conservation de titres, doit pendant la durée de celui-ci et durant les trois années qui suivent la transmission :
exercer des fonctions de direction visées à l’article 885 O bis 1° du Code général des impôts s’il s’agit d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés ;
exercer son activité principale, s’il s’agit d’une société de personnes.
Admission de nouveaux associés. En vertu de l’article 12 de la loi de finances rectificative pour 2011, les associés peuvent adhérer à un pacte déjà conclu à la condition que l’engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans.
La reconduction de l’engagement collectif pourra avoir une incidence sur la durée d’exercice d’une fonction de direction par l’un des associés signataires. En effet, en matière de droits de mutation à titre gratuit, la fonction de direction doit être exercée pendant la durée de l’engagement collectif et les trois années suivant la transmission. La reconduction de l’engagement collectif pour une nouvelle durée de deux ans a pour conséquence de prolonger la durée d’exercice des fonctions de dirigeant.
Cession des titres pendant la durée de l’engagement collectif. L’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit est maintenue en cas de cessions des titres par l’un des signataires à l’égard des autres signataires dans les cas suivants :
ces derniers conservent leurs titres jusqu’au terme de l’engagement prévu et le seuil de 20 % ou 34 % est toujours atteint ;
le cessionnaire s’associe à l’engagement collectif à raison des titres cédés afin que le seuil de 20 % ou 34 % demeure respecté et l’engagement est reconduit pour une durée minimale de deux ans.
Engagement réputé acquis. L’engagement collectif de conservation de titres est réputé acquis lorsque le défunt ou le donateur, seul ou avec son conjoint ou partenaire de PACS, détiennent depuis deux ans au moins le quota de titres requis pour la conclusion de cet engagement, et que :
l’un d’eux exerce dans la société depuis plus de deux ans son activité principale ;
ou, lorsque la société est soumise à l’impôt sur les sociétés, l’une des fonctions de l’article 885 O bis 1° du Code général des impôts.
Donation. Le dispositif est applicable aux donations en pleine propriété ou en nue-propriété. Les donations d’usufruit ou avec réserve d’usufruit peuvent également bénéficier de l’exonération partielle. Celle-ci s’applique alors sur la valeur de l’usufruit ou de la nue-propriété des titres transmis.
En cas de donation avec réserve d’usufruit, ce dispositif est applicable uniquement si les droits de vote de l’usufruitier sont statutairement limités aux décisions concernant l’affectation des bénéfices.
La réduction de 50 % prévu à l’article 790 G du Code général des impôts continue à s’appliquer lorsque le donateur, âgé de moins de soixante-dix ans, consent une donation de parts ou actions de sociétés qui remplit les conditions pour être partiellement exonérée de droits de mutation à titre gratuit en application de l’article 787 B du Code général des impôts.
Transmission d’immeubles. Lorsque les immeubles sont détenus par la société d’exploitation ou l’entreprise individuelle, le dispositif du pacte Dutreil permet de bénéficier indirectement d’un abattement de 75 %.
Non-respect. Tous les héritiers, légataires ou donataires sont tenus d’acquitter le complément de droits de mutation à titre gratuit majoré de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du Code général des impôts, en cas de non-respect :
de la condition relative à l’exercice de l’activité principale ou de la fonction de direction ;
de l’engagement collectif de conservation de titres après la transmission.
Seul l’héritier, légataire ou donataire (ou ses ayants cause à titre gratuit) est tenu d’acquitter le complément de droits de mutation à titre gratuit majoré de l’intérêt de retard visé au même article 1727 du Code général des impôts, en cas de non-respect par celui-ci de son engagement individuel de conservation de titres.
2° L’exonération applicable aux entreprises individuelles
Exonération partielle. Suivant les dispositions de l’article 787 C du Code général des impôts, les donations de biens meubles et immeubles corporels ou incorporels affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peuvent être exonérées de droits de mutation à concurrence des trois quarts de leur valeur.
Pour l’application du dispositif, les EURL sont assimilées à des entreprises individuelles.
Conditions. Afin de bénéficier de l’exonération partielle, les conditions suivantes doivent être remplies :
l’entreprise doit avoir été détenue pendant deux ans par le défunt, le donateur, lorsque celui-ci l’avait acquise à titre onéreux. En présence d’une acquisition à titre gratuit ou de création, aucune durée de détention n’est nécessaire ;
chacun des héritiers, légataires ou donataires doit prendre l’engagement dans la déclaration de succession ou dans l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, l’engagement de conserver pendant quatre ans à compter de la transmission les biens affectés à l’exploitation de l’entreprise ;
l’un des héritiers, légataires ou donataires ayant pris l’engagement de conservation doit poursuivre effectivement l’exploitation de l’entreprise pendant une durée de trois ans.
Donation. Le dispositif est applicable aux donations en pleine propriété ou en nue-propriété. Les donations d’usufruit ou avec réserve d’usufruit peuvent bénéficier de l’exonération partielle. Celle-ci s’applique alors sur la valeur de l’usufruit ou de la nue-propriété des biens transmis.
La réduction de 50 % prévue à l’article 790 G du Code général des impôts continue à s’appliquer lorsque le donateur, âgé de moins de soixante-dix ans, consent une donation d’une entreprise individuelle qui remplit les conditions pour être partiellement exonérée de droits de mutation à titre gratuit en application de l’article 787 C du Code général des impôts.
Non-respect. En cas de non-respect de l’engagement de conservation des biens par un héritier, légataire ou donataire (ou par un ayant cause à titre gratuit), celui-ci (ou ses ayants cause à titre gratuit) est tenu d’acquitter le complément de droits de mutation à titre gratuit majoré de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du Code général des impôts.
En cas de non-respect de la condition liée à la poursuite de l’exploitation, tous les héritiers ou légataires ou donataires sont tenus d’acquitter le complément de droits et l’intérêt de retard.
Philippe REBATTET
Directeur département droit du patrimoine
FIDAL Lyon